1. UNE ENTRÉE POUR PLATEFORME 10 à LAUSANNE (VD)

  2. 2021 -

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    RECONSTITUTION DU CENTRE DE VILLARS-SOUS-MONT — Concours d’IDÉES

    «GRUS ET PHŒNIX» — En collaboration avec: Atelier Grept Sàrl à Saint-Gingolph, Clotilde Rigaud, architecte-paysagiste; Noa Varé

    Liminaire — Le temps a fait son œuvre dans le cœur de Villars-sous-Mont. Construites pour traverser les âges, les habitations n’ont pas résisté à l’épreuve des flammes, intransigeantes et radicales. Devant un sol indifférencié, vidé de sa substance, quelle attitude adopter pour entrevoir un retour à la vie ? La reconstruction matérielle et sociale — objet du concours — s’envisage avec la reconnaissance des traces du passé, si douloureuses soient-elles, et l’ouverture sur un avenir fait de possibles. Le projet explore le thème de la ruine comme témoin d’une architecture déchue, qui a rejoint la nature et son paysage, et relais entre un temps passé et un temps en devenir.

    Les murs sont vus comme éléments fondateurs de l’identité du lieu. Séparateurs et unificateurs, ils définissent un dedans et un dehors et informent sur les relations que les habitants entretiennent avec leur monde extérieur (social, météorologique). Les lignes structurantes du village-rue sont retracées et les murs disparus sont redressés sur leur premier niveau, là où le rapport à la rue était le plus démonstratif; les seuils et les ouvertures, sortes de mains tendues vers l’extérieur, sont recomposés, intégrant les reliques, comme pour témoigner de l’hospitalité caractéristique des anciens pieds de façades. Ils restaurent, d’une certaine manière, les petits espaces tampons qui façonnaient la rue, comme autant de seuils à franchir pour parvenir au perron des maisons —dans une succession quasi protocolaire — avant que la route ne les eût engloutis dans un tsunami de macadam et d’indigence.

    Grus — Ouverts sur le ciel, les espaces intérieurs deviennent alors jardins, soumis alors à l’épreuve du temps et régis par le cycle des saisons. La végétation est invitée à franchir les seuils et habiter le dedans, allant même jusqu’à habiter les murs eux-mêmes, investissant leurs failles et aspérités. Capables de résilience, ouverts à un champ infini de possibles, ces jardins rallument la flamme d’un lieu en quête de sens. A la charnière entre la rue et les logements, ils sont un endroit de transition reléguant les nuisances de la route au second plan. Cet entre-deux hospitalier est propice aux rencontres entre habitants et reflète les aspirations de ses jardiniers, libres d’ordonner la nature à leur image — jardinée ou sauvage, nourricière ou contemplative.

    Citons ces jardins du possible dans l’ordre de leur apparition (d’amont vers l’aval). Le « Jardin Sec » évoque le feu et les décombres avec son sol de gravats (sur dalle) favorable aux plantes pionnières et aux insectes. Le « Jardin Romantique » est propice aux rêveries d’un promeneur solitaire ému par les ruines revêtues d’une végétation pittoresque. Le « Jardin des Pluies » aménage une dépression où l’eau accumulée crée un paysage palustre temporaire, objet de contemplation. Le « Jardin d’Eden » est un petit paradis où l’hôte de passage se laisse tenter par la diversité des fruits à sa portée. Le « Jardin des Ombres » offre une situation protégée du soleil et du vent où prospèrent fougères, pivoines et hortensias dans des associations poétiques. Le « Jardin de Simples » est un lieu de mémoire ouvert au public, aménagé d’espaces géométriques thématiques et surélevés: une maquette du tissu villageois originel coulée en bronze (métal ramenant à l’élément feu destructeur/créateur), une fontaine (symbole de résurrection dans la tradition des cloîtres fribourgeois) et des jardins de plantes aromatiques, thérapeutiques et condimentaires (mémoire des jardins ruraux fribourgeois). Pour terminer, le « Jardin Palissé » valorise le moindre centimètre carré, cultivant légumes, framboisiers et fruitiers guidés sur des treillis et une pergola, dans une vision architecturée de la nature.

    Grus n’est donc pas sans évoquer les us et coutumes de Gruyères, en clin d’oeil également à son blason. Hormis pour le jardin public, les cuisines des plus grands 4 pièces tirent le meilleur parti de ces bucoliques perspectives. Bâti sur la tradition et la mémoire du lieu, Grus s’exprime avec simplement dans des tons discrets, des matériaux de tous les jours et patinés au cycle des saisons.

    Phœnix — Constellation voisine de Grus, Phœnix est aussi un bel oiseau. Il est vraisemblablement par essence plus flamboyant que la grue — peut être n’est-ce là que faux semblant. Dans la mythologie, il symbolise les cycles de mort et de résurrection. L’oiseau légendaire renaît en effet après s’être consumé dans les flammes. Ainsi, le bâtiment des nouveaux logements est construit juste à l’arrière des vestiges historiques. Son volume épouse, tout en la remodelant, la pente du terrain naturel et sa forme évoque les anciennes fermes qui avaient jadis pignon sur rue.

    Autant le dire d’emblée, ni la maison de plain-pied qui rend flasque, ni la télévision et son séjour qui nivelle par le bas, ni même l’ascenseur qui relie si aisément la place de parking et le frigo n’ont leur place. Ici, flanqué au pied de la montagne, on devrait encore savoir marcher et gravir… À la place, des volées d’escaliers sont droites et offrent des perspectives aussi visuelles que sanitaires, des chambres qui ne sont pas qu’à coucher, des cuisines ouvertes comme sur la vie.

    Prosaïquement, le projet comporte 26 logements dont six de 2 pièces (20%) et vingt, à parts égales, de 3 et 4 pièces (2 x 40%). Le programme, qui fonctionne comme une résidence, est complété par un parking enterré de 30 places, un local à vélo de 34 places, l’ancienne cave voûtée encore existante, un espace bien-être comprenant un jacuzzi et un sauna, ainsi qu’une chambre « joker » pour économiser la fameuse chambre d’amis. Les locaux techniques sont soit enterrés, soit dans les combles (pour récupérer l’eau de pluie, pour gérer les panneaux photovoltaïques, etc.). Toutes les pièces s’imbriquent dans un jeu complexe qui exploite chaque centimètre carré. Cet enchevêtrement savant démultiplie les conditions de vie du logement où même un 2 pièces connaît des expositions contrastées, de plain-pied, mais aussi à l’étage, à l’est, à l’ouest, face à la vue ou côté jardin, etc. Chaque logement configuré comme les barres à caractère d’une machine à écrire dispose de sa propre cage d’escalier dans un développement à doubles hélices redondantes. Il résulte de cette mécanique de précision une trame constructive très stricte de 321 cm sur 551 cm qui peut service autant de chambre que de place de parc.

    Le seul matériau confirmé à ce stade est le bois lasuré pour les encadrements de fenêtre à la façon traditionnelle ou brûlé façon Yakisugi pour le bardage de façade en mémoire des sinistres événements passés et en allégorie avec l’Oiseau de feu qui renaît de ses cendres.